Introduction
Dans le Perche comme ailleurs, l’agrivoltaïsme s’invite dans le débat public. Présenté par ses promoteurs comme une solution « gagnant-gagnant » entre agriculture et transition énergétique, il soulève pourtant de nombreuses inquiétudes locales. Les Hauts de Manou Nature & Patrimoine souhaitent, à travers cet article, apporter un éclairage documenté sur ce sujet complexe et crucial pour l’avenir de nos paysages.
1. Qu’est-ce que l’agrivoltaïsme ?
L’agrivoltaïsme consiste à installer des panneaux photovoltaïques sur des parcelles agricoles en maintenant une activité agricole dessous ou autour. En théorie, il s’agit d’une synergie entre production d’énergie et maintien d’une agriculture durable. En pratique, la frontière entre « agrivoltaïsme » et « photovoltaïque au sol » est souvent floue, tant certains projets privilégient la production électrique au détriment de la vocation agricole.
Selon la définition officielle (Ministère de la Transition Écologique, 2024), un projet agrivoltaïque doit « contribuer de manière significative et durable à l’exploitation agricole » — une exigence encore trop rarement vérifiée sur le terrain.
2. L’état des lieux : entre espoirs et dérives
Des projets qui se multiplient
Portés par des développeurs énergétiques et soutenus par certaines collectivités, les projets d’agrivoltaïsme se développent rapidement, souvent sans réelle concertation locale. En 2025, plus de 1 000 projets étaient recensés en France selon l’ADEME.
Des retours d’expérience contrastés
Le CIRAD et l’ADEME soulignent dans leurs rapports les potentialités du dispositif (ombrage, optimisation de l’eau, diversification de revenus), mais aussi les risques de perte de biodiversité, de déséquilibre foncier et de spéculation agricole.
De son côté, France Nature Environnement (FNE) rappelle que « les retours d’expérience sont encore très limités et manquent de justification agronomique ».
L’alerte du terrain
De nombreuses associations régionales, comme FNE Nouvelle-Aquitaine ou Environnement Juste, dénoncent une dérive vers des projets industriels déguisés. Ces structures alertent sur la conversion massive de prairies et terres fertiles en centrales photovoltaïques, menaçant les paysages et les sols.
Dans le Perche, plusieurs citoyens observent avec inquiétude l’émergence de projets similaires, souvent initiés sans concertation suffisante.
3. Les enjeux pour le Perche
Un territoire fragile et identitaire
Le Perche se distingue par ses collines, ses bocages, ses prairies et son patrimoine bâti. Ces éléments forment un ensemble paysager cohérent, reconnu pour sa valeur écologique et culturelle. L’installation de structures métalliques sur plusieurs hectares bouleverserait cet équilibre.
Des impacts environnementaux et sociaux
Les études du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) recommandent d’éviter l’agrivoltaïsme sur les prairies permanentes à forte valeur écologique. Elles rappellent que la biodiversité et la trame paysagère sont difficilement compatibles avec une couverture artificielle du sol.
Par ailleurs, la promesse d’une double valeur (énergie + agriculture) se heurte à la réalité économique : la production électrique, plus rentable, prend souvent le pas sur la production agricole.
Une gouvernance à construire
La question centrale demeure celle de la gouvernance locale. Qui décide ? Qui profite ? Et comment garantir que les bénéfices reviennent à la communauté plutôt qu’à quelques opérateurs privés ?
Les exemples de la FNAB (Fédération Nationale d’Agriculture Biologique) montrent que sans contrôle démocratique et sans critères stricts, l’agrivoltaïsme peut devenir une simple extension du modèle productiviste.
4. Vers un modèle raisonné et local
Face à ces dérives, plusieurs pistes existent pour concilier transition énergétique et préservation du territoire :
- Prioriser les toitures : hangars agricoles, bâtiments publics, parkings.
- Réserver les sols agricoles à l’alimentation : éviter la concurrence entre kilowatt et kilogramme.
- Impliquer les citoyens : consultation publique, cartographie participative des zones sensibles.
- Exiger la transparence des études d’impact : agronomiques, écologiques, économiques.
- Encadrer les projets par des chartes locales : comme celles proposées par FNE ou la FNAB.
Dans le Perche, cette approche locale et participative est essentielle pour éviter que les champs deviennent des zones industrielles déguisées.
5. Ce que propose Les Hauts de Manou Nature & Patrimoine
Notre association agit pour une vigilance constructive :
- Informer les habitants sur les projets en cours et leurs impacts potentiels ;
- Encourager le dialogue entre élus, agriculteurs et citoyens ;
- Promouvoir des solutions d’énergie renouvelable adaptées au tissu rural (toitures, friches, autoconsommation collective) ;
- Servir de relais d’alerte via notre formulaire de signalement citoyen disponible sur ce site.
Ensemble, nous pouvons défendre une transition énergétique respectueuse de nos paysages et de notre patrimoine vivant.
Conclusion
L’agrivoltaïsme n’est ni une panacée, ni un mal absolu. Tout dépend de la manière dont il est conçu, piloté et évalué. Dans le Perche, l’enjeu n’est pas de refuser le solaire, mais de l’inscrire dans une logique de territoire, au service du vivant et non contre lui.
Sources principales
- France Nature Environnement (2025) – Webinaire et dossier agrivoltaïsme.
- FNE Nouvelle-Aquitaine – Dossier « L’agrivoltaïsme ».
- FNAB – Position sur l’agrivoltaïsme.
- CNPN (2024) – Avis sur le déploiement photovoltaïque et impacts biodiversité.
- ADEME – Étude 2023 sur les projets PV agricoles.
- CIRAD – Rapport « L’agrivoltaïsme en France ».
- Environnement Juste – Arguments et retours d’expérience sur projets photovoltaïques.
Encadré à insérer sur le site :
Vous avez repéré un projet d’installation photovoltaïque sur des terres agricoles, naturelles ou patrimoniales ? Signalez-le via notre formulaire « Alerte citoyenne » pour permettre une évaluation collective et transparente.
LIENS UTILES